Intro | Claire | Claudine | Gwenaëlle | Gérard | Henri | Herve | Jean-Pierre | Joël | Patrice | Marche |
Album photos | À imprimer (Acrobat) |
LE PARIS - BREST - PARIS DE GERARD |
Voilà c'est fait, j'y suis allé et je suis content d'en être revenu sans avoir pris froid. J'ai bien toussé un peu au dortoir à Brest et je n'étais pas le seul. Une bonne nuit prolongée après un premier 600 et je suis reparti pour un deuxième 600, un peu plus long car le premier m'a un peu fatigué.
J'ai attendu 28 ans avant d'essayer l'aventure, mais il semble que j'ai choisi un bon cru! Même les premiers n'ont semble-t-il pas fait un temps exceptionnel, je les ai croisés juste à la 24ème heure et ils n'avaient fait que 700 kilomètres et donc 525 pour moi.
N'ayant pas voulu réserver de place de parking au départ à Saint-Quentin je suis allé au départ en vélo, 18 kilomètres, c'est négligeable face aux 1225 qui suivent. Dans la côte de Louveciennes mon ménisque droit me rappelle qu'il est un peu fêlé, alors qu'il s'est fait oublier depuis le début de la saison. Voilà que ça commence bien ! Je n'ai pas massé les genoux avant de partir de Rueil, il faut corriger cela avant le départ. Je le ferai donc en sortant du self EUREST avant de me diriger vers le stade des Droits de l'Homme pour le contrôle du vélo et le pointage du départ.
Le repas, pris à 17h00 doit permettre de tenir jusqu'à Mortagne (140 km) où nous trouverons le premier ravitaillement. Carottes râpées, pâtes bolognaises, yaourt et banane, cela doit être efficace, avec un gâteau de semoule complémentaire 30 minutes avant le départ. Gâteau de semoule amélioré à la poudre d'amande, un délice dont je mangerai les dernières miettes à Fougères, efficace pour la tête et les jambes, je ne regretterai pas cette charge dans mes sacoches.
En sortant du self je vois Jean-Pierre qui passe devant moi et se dirige déjà vers le stade, il ne sera pas en retard pour le départ de 21h30 ! Je le rattrape et arrivés dans le tunnel menant à l'entrée du stade on constate que la porte est fermée et ne devrait être ouverte que vers 18h30. Gwenaëlle est quelques mètres devant, nous la rejoignons et échangeons quelques commentaires à propos de ce qui nous attend, notamment une météo redoutable. On se demande un peu ce qu'on fait là, comment a-t-on pu se lancer dans cette aventure ?
La porte s'ouvre, mais seuls les cyclos partant à 20h00 peuvent rentrer. Je salue donc Gwenaëlle et Jean-Pierre et on s'encourage mutuellement. Il y a un peu de monde devant moi, mais je devrais pouvoir partir dans la première vague.
Pointage du carnet de route vers 19h00 et on avance vers la ligne de départ. Il reste une heure durant laquelle je somnolerai debout avant que Jean-Pierre ne passe et fasse une photo du marginal dans ce groupe de coursiers ultra-légers.
Je suis donc parti lundi soir à 20h00 dans le premier groupe, celui de ceux qui sont rentrés mercredi vers 17h00. Dans le sas avant le départ une dame racontait qu'en 2003 au même départ, elle s'était faite décrocher dès le premier kilomètre et n'avait pas pu bénéficier de la neutralisation de la circulation au passage des feux rouges.
J'ai vite compris la difficulté de l'exercice: il faut partir à fond, tout en gardant les mains sur les freins et les yeux biens ouverts, à chaque rétrécissement de la chaussé ça freine très brutalement et ensuite ça repart très vite, mais la vitesse est limitée sur les premiers kilomètres, ensuite c'est chacun pour soi.
Le départ est donc très acrobatique, mais je n'ai vu qu'une personne tomber, sans mal. Malgré la vitesse et l'attention qu'il faut porter à la route et aux cyclos devant moi, j'ai le temps d'apercevoir Maurice Lair au bord de la route, je le salue, mais je ne suis pas sûr qu'il m'a entendu et même qu'il m'a vu.
Une petite descente, je suis obligé de mettre le grand plateau, la seule fois puisque ma consigne était de ne pas le faire, je regarde le compteur, 58 km/h, est-ce bien raisonnable ?
Je suis resté dans les roues un moment, mais le peloton s'est vite séparé et j'étais dans le troisième groupe, encore trop rapide. A Coulombs, dans la descente qui mène à Nogent-le-roi (58 km) la tête du groupe est en train de faire demi-tour quand j'arrive, personne n'a vu la flèche et les gars pensent s'être trompés. Pour moi, pas de doute, on est sur la bonne route. Le temps que tout le monde revienne dans le bon sens je me retrouve en tête du groupe, mais je dois tous les laisser passer dans la côte à la sortie de Nogent-le-roi.
Je décide de laisser partir ce groupe, trop rapide à mon goût, mais je constate que je roule presque à la même vitesse et je me rapproche dans une petite descente. Je vais donc faire un effort pour reprendre place dans l'aspiration en queue de peloton.
A Châteauneuf-en-Thymerais (81 km) je considère qu'il est temps d'arrêter ce rythme de folie et je laisse définitivement partir le groupe. Je me retrouve alors seul dans la nuit, pendant quelques kilomètres puis un autre groupe me rattrape. Je roule un peu avec ce groupe mais je constate vite que je ne peux pas suivre dès que la route monte. Avec mon vélo un peu trop chargé en vêtements de rechange et en nourriture ça ne va bien que sur le plat, à chaque montée tout le monde me laisse sur place. Finalement je ferai presque fait 1000 kilomètres en solitaire, il n'y a que dans la dernière étape vers Brest qu'un gars de Castelsarazin bien fatigué me proposera de faire route ensemble.
Arrivée à Longny-au-Perche à minuit, ça fait 120 km en 4 heures. Sommes-nous réellement partis pour faire 1225 km ou bien sommes-nous presque arrivés au bout d'une cyclosportive ? Que dire du tandem parti une heure après nous et qui nous double un peu avant Mortagne (140 km) terme de la première étape. Là pas de contrôle, seulement un ravitaillement, arrêt bref, juste le temps d'engloutir un peu de gâteau de semoule et deux barres de céréales, pas question de risquer de se refroidir.
Un peu plus loin deux des tricycles carénés nous doublent en silence, impressionnant d'efficacité.
Après Mamers (165 km), la route ne m'est plus familière et je profite du ralentissement dans une côte pour regarder le parcours que j'ai sur le sac de guidon, il fait encore sombre et j'ai un peu de mal à lire alors ma lecture est plus longue que prévue. Une secousse me sort de cette lecture, la roue avant est dans l'herbe, il est urgent de viser le fond du fossé pour m'arrêter le moins brutalement possible. Les muscles des jambes n'apprécient pas l'exercice et font le chantage aux crampes si je persiste dans cette position inconfortable. Je me remets rapidement dans une meilleure attitude et tout rentre dans l'ordre. Je ressors du fossé et repars en me disant que peu importe le nom des villages, pourvu que je voie les flèches. Avertissement gratuit, je ne m'y ferai pas reprendre !
Nous avons eu la chance de ne pas avoir trop de pluie avant le lever du jour. Nous roulons sur une route mouillée depuis bien longtemps, mais la première averse n'arrive qu'au moment de repartir de Villaines-la Juhel vers 4h45 (222 km). Nous n'avons finalement eu que deux averses relativement brèves le matin, par contre l'après-midi a été copieusement arrosée.
Au Ribay (240 km) rencontre avec les photographes de Maindru photo, il pleut et le jour tarde à se lever, pas le vent qui est maintenant passé au nord-nord-ouest, donc souvent défavorable, grimace aux photographes. A Tinténiac (364 km) il faut avoir la volonté de partir sous le déluge. A Quédillac (391km) Maindru photo nous attend sous la pluie, photo avec le sourire. A Loudéac (449 km) vers 16h00 je suis arrivé bien mouillé et ça tombait dru quand j'ai voulu repartir.
Pas vraiment d'hésitation, pour être à Brest dans la soirée, il ne faut pas traîner en route. Je cherche tout de même quelque chose pour éviter de me mouiller la tête davantage à travers les trous du casque, mais le vélociste n'a rien. En repartant, je passe devant un magasin "Intersport" où il n'y a pas de chapeau ou casquette de pluie. Finalement je pense qu'un bonnet de bain, porté sous le casque fera l'affaire. C'est efficace, mais ça serre un peu la tête.
Température relevée devant une pharmacie en milieu d'après-midi : 12°C!
Les cyclos hésitent à repartir sous ce déluge et ça commence à parler d'abandon. A Corlay premier contrôle secret, il pleut, je ne m'y attarde pas.
Au départ, lundi, nous avions le vent dans le dos, ça roulait bien, mais ça devient difficile depuis qu'il est passé au Nord Nord-Ouest, et nous ralenti. Personne ne parle et l'ambiance est sombre, comme le ciel. Plus on approche de Brest moins les cyclos avancent.
Tout le monde est très fatigué au contrôle à Brest, il y a de vilaines têtes! Moi-même je vois ma vitesse de progression faiblir, avec quelques arrêts prolongés aux contrôles.
En repartant de Carhaix (525 km) je ne vois pas de difficulté à aller à Brest, mais à mi-parcours je commence à être envahi par une irrésistible envie de dormir. La pluie a cessé, on peut voir la lune un peu voilée et les étoiles, j'aurai donc un peu séché en arrivant à Brest.
A Huelgoat (549 km) on devine les amas de rochers, j'ai déjà pointé le BPF alors je pense surtout à la montée vers le Roc'h Trévezel (564 km, altitude 384 m) où l'antenne radio est bien visible avec ses lumières de signalisation. Dans les dernières pentes on croise les deux tricycles carénés encore ensemble, ils ne rattraperont probablement pas les premiers, mais ils sont partis pour un temps exceptionnel.
Arrivé au contrôle de Brest il est 1h00, il est temps de trouver une place au dortoir. En partant à 20h00 avec les rapides peu de cyclos sont déjà passés et il n'y a pas la queue pour entrer au dortoir. Je prends mes vêtements de rechange, mes pommades, pour les jambes, les pieds et les fesses ainsi qu'un masque pour les yeux et des bouchons d'oreilles. Je suis tellement fatigué que j'en oublie les massages et je me couche immédiatement après avoir mis mes vêtements secs.
Je me suis donc endormi instantanément en m'installant dans le dortoir. J'ai demandé un réveil tardif pour dormir suivant le besoin, afin aussi de pourvoir sauter la nuit suivante pour le 600km du retour.
Mercredi:
Réveil naturel avant l'heure demandée. Pour garder un change complet sec, je remets les vêtements de la veille qui ont terminé de sécher dans la nuit. Je repars de Brest peu avant 7h00, après un petit déjeuner copieux et un massage réparateur. J'entends encore parler d'abandon, mais étonnement reposé après quelques heures de sommeil, je me sens prêt pour un retour en une étape, si toutefois l'envie de dormir ne se manifeste pas de nouveau le soir venu.
J'ai donc bien dormi et je repars vers Paris avec un temps sec. La montée au Roc'h Trévezel (664 km) se fait avec le vent dans le dos, ça va mieux qu'hier soir. Au sommet nous sommes au ras des nuages dans lesquels le haut de l'antenne se perd.
Je m'attends à croiser les Abeilles, mais je crains que nous nous croisions dans la zone entre Carhaix et Huelgoat où les itinéraires sont différents. A l'approche de Carhaix (697 km), vers 10h30, j'aperçois Gwenaëlle, sans que nous nous arrêtions discuter, elle roule assez vite en descente et ne semble pas vouloir couper son élan. Elle me parait en bonne forme.
Cinq minutes après je croise Henri qui sort tout juste de Carhaix. Il m'apprend les abandons de Claude et Hervé, les récidivistes ont perdu la motivation. Il parle d'essayer de moins s'arrêter car il va bientôt falloir faire attention à la limite des délais. A ce propos, j'apprends à Carhaix que pour les moins de 80 heures l'ACP rallongerait le délai de 2 heures.
La pluie arrive en début d'après-midi, pas trop abondante, juste une averse. Après Corlay il ne pleut plus et la température s'élève, la route aussi d'ailleurs. Je retire le pantalon et le Goretex pour passer les côtes un peu longues qui vont maintenant se succéder jusqu'à Tinténiac.
Avant Illifaut où se tient le deuxième contrôle secret je discute un moment avec un cyclo de 68 ans qui espère réaliser son meilleur temps sur Paris-Brest-Paris, temps à battre 69h40. Ca semble encore faisable, mais il ne faudra pas dormir beaucoup dans la nuit. La route monte, il ne suit pas, je ne saurai pas s'il a atteint son objectif.
Au contrôle à Tinténiac (858 km) je prévois un arrêt assez court, mais une surprise m'y attend. Françoise et Patrick Lissonnet, anciennes Abeilles reparties en Bretagne il y a une vingtaine d'années, sont venues me rendre visite et m'encourager. Avec le tableau mis à jour par Jean ils suivent la progression des Abeilles sur Internet et m'apprennent l'abandon de Patrice. Françoise qui a fait Paris-Brest-Paris en 1979 serait semble-t-il presque tentée de recommencer dans 4 ans. Voilà une surprise très sympathique au milieu de la morosité ambiante, cela méritera bien un arrêt un peu prolongé! Bises et c'est reparti vers Fougères (912 km).
Là il est alors temps de dîner copieusement pour passer la dernière nuit. Un gars se trouve mal au réfectoire, on l'allonge sur le sol en attendant une assistance médicale.
Depuis Loudéac je commence à prendre du café, en quantité limitée, mais assez pour m'aider à ne pas avoir envie de dormir, sera-ce efficace ?.
Je m'habille pour passer la nuit, pantalon et Goretex, alors qu'il ne pleut pas, mais ça me permettra de rester au chaud et au sec au cas où la pluie reviendrait. A peine le temps de remonter sur le vélo et la pluie est là. Une pluie persistante qui va nous accompagner presque jusqu'au lever du jour. Avec une nuit noire et des routes à la ligne médiane peu marquée il faut ouvrir l'oeil et souvent ralentir pour ne pas risquer de sortir de la route, un peu stressant et usant pour les patins de freins. La pluie sur les lunettes réduit considérablement la vision, j'ai beau essuyer les verres régulièrement je suis parfois obligé de ralentir excessivement pour garder une marge de sécurité dans les descentes, il serait trop bête de sortir de la route par excès de confiance. Depuis Tinténiac il n'y a plus grand monde sur la route et pourtant nous ne roulons pas vite et il y a peu de monde devant nous, à ce rythme nous devrions nous faire doubler, mais tout le monde semble bien fatigué.
Après quelques kilomètres je m'aperçois que j'ai mis le Goretex par dessus le baudrier, personne n'a pensé à me signaler l'absence du baudrier, il est urgent de trouver un peu de lumière dans le prochain village pour remettre cet élément de sécurité bien en vue.
Villaines-la-Juhel (1000 km) premier petit déjeuner à 3h30, je n'ai pas envie de dormir, je vais donc poursuivre vers Paris seul dans la nuit.
Peu de cyclos aperçus durant la nuit, mais un petit groupe se formera cependant au levé du jour.
Jeudi matin, que des zombies qui se traînent sur leurs vélos, les cyclos s'éternisent dans les contrôles, notamment à Mortagne (1082 km) où je laisse les quelques cyclos avec lesquels je suis arrivé. Je prends tout de même le temps d'avaler un deuxième petit déjeuner et je m'assure un dernier massage des genoux, légèrement douloureux, mais encore en très bon état malgré tout ce qu'ils ont enduré depuis deux jours et demi.
Après La Ferté-Vidame (1115 km) je me retrouve seul sur la route, aux carrefours il n'y a pas de flèches, je me demande si je n'en ai pas loupé une et si je ne suis pas en train de m'égarer. Je m'arrête pour consulter la carte. Je suis bien sur la bonne route, c'est tout droit à chaque carrefour, il n'y a donc pas de flêche. A Laons (1140 km) je vois une ambulance des pompiers arrêtée à côté d'un cyclo américain enveloppé dans une couverture de survie. Que lui arrive-t-il, va-t-il être contraint de s'arrêter si près de l'arrivée ? En fait il m'explique qu'il a cassé un rayon à la roue arrière de son vélo et il a besoin d'assistance mécanique pour le remplacer. Il a des rayons de rechange, mais comme d'habitude, celui qui est cassé est du côté de la roue libre. Sa roue à 24 rayons est très voilée et frotte sur les freins, il ne peut plus rouler, il faut changer le rayon. Il ne parle pas le français et est très fatigué, un peu découragé aussi sans doute. Les pompiers proposent de téléphoner à l'organisation. Je leur donne le numéro du contrôle de Dreux mais personne ne répond. Je leur donne alors celui de l'arrivée, ils m'assurent s'occuper du cyclo et me disent que je peux repartir. Un peu plus tard une voiture me doublera avec un vélo dans le coffre, probablement celui du cyclo américain qui doit être conduit au contrôle de Dreux pour réparer le vélo, avant de revenir à Laons pour terminer le parcours.
A Dreux (1156 km) la route pour rejoindre le contrôle n'en fini pas de faire le tour de la ville pour éviter le centre-ville, que ça semble long. Arrêt bref, il reste 68,5 kilomètres sur des routes qui me sont plutôt familières, pas besoin de manger excessivement pour cette dernière étape plutôt facile. A Gambais les éclairages dispersés sur les ralentisseurs au moment du départ ont disparu, il reste tout de même un démonte pneu sur le bas-côté de la route. Il fait presque beau et la forêt autour de Gambaiseuil est très belle, très verte. La côte est passée debout sur les pédales, ça sent l'écurie, pas question de flâner. Sur le plateau avant Montfort-l'Amaury les champs sont inondés, ici aussi il a bien plu. Bazoches dernière vraie côte, avalée comme la précédente, il reste un faux plat à la sortie d'Elancourt et les deux ponts au dessus de la N10 et de la voie ferrée à Trappes.
A quelques kilomètres de l'arrivée Didier m'interpelle sur sa moto. Il travaille maintenant à Elancourt et a suivi ma progression sur internet. Il a quitté le travail pour venir m'accompagner sur la fin et faire quelques photos, certainement pas les plus avantageuses pour moi, mais c'est très sympa. A l'entrée du stade Claude déjà rentré m'attend aussi.
A l'entrée du parc à vélos Jean-Paul assure l'accueil des cyclos. Il s'empare de mon vélo et m'envoie vers les contrôleurs. J'apprends qu'il n'y a que 350 cyclos qui sont déjà arrivés. Ce n'est pas une année à records, mais inoubliable par ces conditions météo. Il fallait être en forme et avoir une farouche volonté pour aller à Brest et en revenir. Le taux d'abandon est très élevé.
Avec mon vélo que beaucoup imaginent sorti d'un musée, on me regarde comme si j'étais un dinosaure, je suis photographié comme si j'étais le dernier cyclotouriste, mes chaussures ont aussi un certain succès. Jean-Paul avoue ne pas avoir encore vu de vélo aussi lourd que le mien. C'est sûr, s'il y a une prochaine fois, voilà un point à améliorer considérablement.
Ticket boisson en main je constate qu'il faut sortir du stade et aller sur le parking à l'extérieur pour pourvoir boire et manger un peu. Ca va, je suis encore en état de marcher, mais les derniers trouveront cet éloignement insurmontable, surtout quand il faut marcher avec des chaussures pour cycliste sportif. Au moment de payer le plat du jour qui m'a fait envie me voici maladroit, je vide mon portefeuille par terre, quel idiot alors qu'il devient si difficile de se baisser, Didier et Claude en rigolent mais ont la bienveillance de m'aider.
Didier suggère même à Claude, en bon voisin de me ramener chez moi en voiture. C'est vrai que j'avais prévu de rentrer en vélo, mais la proposition est bienvenue, je serai plus rapidement à la maison.
Il est dommage que cinq des nôtres n'aient pas pu aller au bout de leur projet, mais quand on a déjà fait cette épreuve dans de meilleures conditions il est certainement plus difficile de se motiver quand le temps est si mauvais et ce temps aura eu raison du physique de deux d'entre nous.
Félicitations à ceux qui auront su rester motivés dans la tourmente. Félicitations aux néophytes qui semblent bien partis pour tous réussir (A ce moment Joël paraît bien parti pour terminer).
Douché, au chaud et au sec me revoilà avec une forte poussée de sommeil irrésistible, il est 21h45. Je relirai et compléterai ultérieurement.
Pensées à ceux qui sont encore sur la route.
Après 12 heures de sommeil je reviendrai à Guyancourt pour l'arrivée du Paris-Brest-Paris des jeunes et la cérémonie de clôture où il sera annoncé que ce vendredi à 18h00, seulement 3600 cyclos sont revenus.
Quelques jours après on pourra lire sur parisbrestparis.tv : " Un record d'abandons : 1 548. Trente pour cent de l'effectif, alors que le pourcentage était, précédemment, de dix et douze pour cent".
Voilà une aventure mémorable que j'ai passée sans trop de difficulté, même si en arrivant à Brest je me demandais dans quel état je serais au réveil, avec 610 kilomètres encore à faire.
Comment conclure ?
Rendez-vous dans quatre ans?
And what about London-Edinburgh-London, the 1400 km randonnée in 2009?
La machine :
Vélo, cadre acier à raccords Didier Louis, avec les cotes que j'ai fournies (celles qui manquaient sur mon plan sont toutes inadaptées), montage par moi même avec le matériel disponible il y a déjà 20 ans :
- Pédalier triple plateaux Stronglight (52 - 42 - 28) | - Gardes boue en alu avec tringle en acier |
- Pédale Mavic avec cales-pieds en acier et courroies en cuir | - Porte-bagages avant et arrière en tube d'acier |
- Freins Mafac 2000 | - Eclairage avant : Torche Maglite à LED (permanent) |
- Selle cuir Idéale avec tige Shimano | - Lampe Halogène Sigma Sport (appoint dans les descentes) |
- Potence et cintre 3TTT | - Feux arrière : lampe Cateye à LED très lumineux |
- Dérailleur arrière Simplex, avant Shimano, manettes au cadre | - lampe Star Beam à LED (secours) |
- Moyeux Maxicar et jantes Mavic à 36 rayons inox | - Deux porte bidons (bidons 80 et 60 cl) |
- Roue libre à vis 6 vitesses (14 à 24 dents) | - Sac de guidon Berthoud et sac de selle Karrimor |
Pesé à 24 kg au départ, tout pleins faits, 91 kg avec le cyclo tout nu. Chacun ajoutera le poids des vêtements, sans oublier le baudrier réfléchissant obligatoire pour la sécurité nocturne.
Astuce pour améliorer le confort du guidon : poignées en mousse pour guidon plat coupées dans le sens de la longueur et fixées avec de la tresse en tissus sur la partie supérieure du cintre. Très confortable, il aurait même été bien d'en mettre sur la partie basse du cintre car en peloton et dans le vent j'ai fait beaucoup de kilomètres les mains en bas du guidon. Au retour pas de douleur au poignet et pas de perte de sensibilité dans les doigts comme cela s'était produit lors du 600.
Le choix du départ :
Je ne voulais pas partir dans la masse du départ de 90 heures qui se passe de nuit. Le départ du mardi matin me semblait gâcher la nuit précédente et je ne pensais pas qu'il me convienne, puisque mon but était d'aller au moins jusqu'à Brest lors de la première étape, avec arrivée si possible mardi soir et retour jusqu'à Carhaix pour le seul moment de sommeil (3 heures ou plus suivant besoin).
Le départ de lundi à 20h00 semblait le meilleur choix puisqu'il permet de partir de jour et de ne trouver la nuit qu'après que le peloton se soit clarifié. Ensuite étant les premiers, il n'y a pas de queue aux contrôles, juste une fois ou deux, au moment de croiser ceux qui sont partis plus tard.
Bien sûr en partant lundi à 20h00 le délai n'est que de 80 heures, mais cela ne me paraissait pas infaisable, puisque j'estimais pouvoir réaliser un temps compris entre 60 et 70 heures, variable en fonction de la météo.
Contrairement aux nombreuses recommandations je ne ferai pas de tableau de marche, pour ne pas courir après l'impossible si ça ne se passe pas au mieux. La tête et les jambes me guideront puisque j'entends rester attentif aux signaux que mon organisme me transmettra.
Cela s'est donc passé à peu près comme prévu et je pense que ce choix est le bon si on est sûr d'avoir de la marge sur le temps.
La préparation :
Bien sûr j'avais entendu dire qu'il fallait avoir fait au moins 7000 à 8000 kilomètres depuis le début de l'année pour faire un Paris-Brest-Paris dans de bonnes conditions, mais cela me semblait exagéré, attention à l'overdose. Je ne prévoyais pas de faire plus de 6000 kilomètres avant le départ, j'imaginais même être plutôt à 5500 km. En fait, en allant travailler assez régulièrement en vélo je me suis présenté au départ avec un peu plus de 6000 kilomètres, en accord avec mes prévisions.
Je suis arrivé au brevet de 200 km d'Argenteuil, le 11 mars, avec 475 km au compteur.
Pour le brevet de 300 km à Mours, le 15 avril, j'avais fait 1256 km.
Au moment du brevet de 400 km à Mours, le 6 mai, j'étais à 1955 km.
Et au départ du brevet de 600 km à Noisiel, le 2 juin, j'avais fait 2661 km. J'ai fait ce brevet en une seule étape, sans dormir, comme prévu si je me décidais à partir pour Pari-Brest-Paris.
A partir du moment ou j'ai décidé de me lancer dans Paris-Brest-Paris, après le 600, j'ai roulé de manière plus intense :
La Suède est un peu plate pour préparer Paris-Brest-Paris, mais c'était la destination de la famille pour les vacances et il n'y avait pas que Paris-Brest-Paris dans les projets de l'année. J'ai tout de même pu affronter des vents très violents qui me laissaient redouter une épreuve terrible sur Paris-Brest-Paris si un vent comparable soufflait sur la France. Heureusement le vent a été certes fort, mais pas aussi violent qu'en Suède ou lors du 600 de Mours.
Bref j'ai fait une préparation progressive qui m'a amené au meilleur niveau courant juillet, en ayant toujours envie de pédaler, il restait alors à maintenir la forme durant le mois d'août.
Avec cette préparation qui a essayé de ne pas trop perturber la vie de famille j'ai pu arriver au niveau voulu et cela m'a permis de faire un Paris-Brest-Paris à peu près conforme à ce que je pensais pouvoir faire, tout en arrivant dans une forme relativement bonne avec une récupération très rapide.
Commentaires sur ce Paris-Brest-Paris :
Cette édition restera comme une des plus dures, puisque le taux d'abandon dépasse de très loin les pires années. Je suis assez bien passé au travers des intempéries parce que j'étais assez bien équipé contre la pluie et le froid. Je suis parti avec un imperméable en Goretex qui m'a maintenu au sec tout en m'évitant de trop transpirer, j'ai gardé un pantalon sur tout le trajet jusqu'à Brest et je me suis bien protégé le cou pour éviter de prendre froid. Il n'y a que la tête qui n'était pas bien protégée de la pluie, avec le casque que je mettais de manière exceptionnelle. J'ai pris des précautions pour la tête avant qu'il ne soit trop tard. Je n'avais rien pour protéger mes pieds, mais je n'ai pas souffert de la pluie et du froid. Arrivé à Brest je me suis bien demandé comment j'allais pouvoir faire le trajet du retour, mais le repos prolongé au chaud et au sec m'a été très bénéfique et je suis reparti vers Paris confiant dans ma réussite.
Au final j'ai fait ce Paris-Brest-Paris en deux étapes de 615 et 610 km. La première en 29 heures, une de plus que l'objectif, mais les conditions climatiques et le chargement du vélo ne m'ont pas facilité la tâche. La deuxième étape a été un peu plus longue, mais je me suis arrêté un peu plus que prévu à plusieurs contrôles et la fatigue de la première étape ne m'a pas permis de rouler à la vitesse habituelle. J'ai donc mis 32 heures 30 pour revenir de Brest, soit 45 minutes de plus que pour faire le 600 de Noisiel, voilà de quoi être satisfait pour une première participation à cette randonnée au long cours.
Un regret cependant, les conditions difficiles ont fait que les cyclos se sont renfermés dans leur souffrance relative et il n'y a pas eu beaucoup d'échanges sur la route, chacun s'appliquait à avancer en se maintenant dans le meilleur état possible et personne n'avait réellement envie de discuter.
Une pensée aussi à tous les bénévoles sans qui Paris-Brest-Paris n'existerait pas. Ils se sont relayés jour et nuit pour nous accueillir et nous assister avec enthousiasme et bienveillance. Merci pour tout le temps consacré à cette manifestation pour notre plaisir d'y participer. Là aussi l'Abeille avait son lot de membres, plus que sur la route, merci pour cette forte mobilisation.
Le plaisir ne s'est pas beaucoup montré au cours de cette randonnée, mais ceux qui ont réussi à revenir à Paris en garderont une incroyable satisfaction, avec cependant un peu d'amertume en pensant à tous ceux qui ne sont pas arrivés victimes des intempéries.
Gérard Grèze
"Le Cyclotourisme, un art de vivre" |