Week-end de cyclo-camping en Morvan des 1-2 et 3 mai 2009 |
Pour ce week-end du 1er mai, rendez-vous était pris à 10 heures à la gare de Bercy. Au programme : trois jours de cyclo-camping dans l'Auxerrois, le Morvan et l'Avallonais. Claire avait certes prévu des étapes démentielles de 75 à 80 kilomètres par jour, qui paraissaient de nature à nous imposer une sévère limitation à moins de deux heures des arrêts de la mi-journée, et une arrivée aux campings pratiquement à la lumière des torches, à passé cinq heures de l'après-midi. Le pari fut néanmoins pris par Jean-Pierre, Patrice, Stéphan et Claire, qui ont eu l'habileté d'occuper d'entrée tous les crochets à vélo de la rame, laissant aux autres promeneurs à vélo arrivés plus tardivement le soin de poser leur engin dans les couloirs, donc de gérer les conflits avec les autres usagers. A noter que Patrice avait fait l'effort d'arrimer ses bagages de manière sinon visuellement harmonieuse, du moins de telle sorte qu'un duvet ou une gamelle ne risque pas à tout moment de tomber ou à tout le moins d'exhiber disgracieusement ses entrailles. Claire et une jeune cyclotouriste de rencontre nous ont aidées à passer le temps en échangeant leurs souvenirs de voyages cyclistes au Québec, ce qui nous amena tout naturellement à Laroche Migennes, célèbre dans les années 50 parce que c'est là que la traction électrique devenait traction à vapeur. Sur cette intéressante note culturelle, il n'est malheureusement pas possible de passer sous silence ce qui fut appelé au fil des jours " l'Affaire des escaliers de Laroche Migennes ", puis " l'Affaire de Laroche-Migennes ", et finalement " le scandale de Laroche Migennes ". Il y avait dans cette gare, choisie par Claire, rappelons le, plus d'escaliers à monter et à descendre que lors des deux trajets Maule-Bercy et Viroflay-Bercy réunis de Jean-Pierre et Patrice, d'où les nombreuses et légitimes protestations de ceux-ci, qui ne se sont atténuées que lorsque ont été prononcées ces paroles pleines de sagesse : " A ceux qui ont beaucoup péché, il sera beaucoup pardonné ". Mais l'affaire ne fut considérée comme complètement close que lorsque qu'au retour Claire transporta sur son dos et en quatre fois les quatre vélos avec leur chargement dans lesdits escaliers.
Nous prenons donc la route en direction du sud, avec le soleil et le vent portant. C'est bientôt l'heure de s'arrêter pour déjeuner, d'abord parce que c'est l'une des choses les plus intéressantes à faire en cyclo-camping, ensuite parce qu'il se fait tard. Le lieu choisi est Moneteau, au bord de l'Yonne, une aire de pique-nique avec des tables. Merci au passage pour les quinquas. Claire et Stéphan impressionnent ceux-ci par leur science du camping, et la richesse de leur équipement. On ne peut s'empêcher de penser que s'ils ne préparent pas un soufflé aux asperges, ce n'est pas un problème de matériel, mais uniquement de temps. En tous cas, quand on a eu une de leurs salades sous les yeux, on se jure bien de ne plus s'approcher d'une sandwicherie à moins de trois cent mètres.
C'est ensuite l'heure du concert de ballades irlandaises en plein air que donnent Claire au violon et Stéphan à l'accordéon, pour le plus grand plaisir du public présent, à commencer par Jean-Pierre et Patrice. Nous reprenons la route, toujours poussés par le vent, à la recherche d'un café et donc d'un bistrot, une quête que l'organisatrice n'a pas contrarié en dépit de son statut qui lui en donnait le droit. Elle a dû confusément comprendre que sur ce point précis, Jean-Pierre et Patrice seraient absolument intraitables. Pause à Auxerre, donc, puis continuation de la descente vers Vézelay par les routes bordées de vert qui longent l'Yonne, en passant par les rochers d'Aussois. Brève pause à Asnières sous bois où Claire salue un ami, en plein travaux d'aménagement d'une grange. Vaste programme ! Nous atteignons enfin Vézelay par une route tout-à-fait ascencionnable. Nous ne montons pas à la basilique, mais seulement au premier bistrot à pointage. Il y a en effet des moments où une bonne bière peut avantageusement se voir mise en balance avec les éternels tourments de l'enfer.
Ce sont ensuite les cinq kilomètres de descente jusqu'à Asquins, et son camping au bord de l'Armançon. Irréprochable à tous point de vue : cadre agréable, douches chaudes, bacs à vaisselle surabondants, papier dans les W.C. Les tentes sont montées, Patrice est heureux de constater que sa tente jamais déballée a bien tous ses piquets et ses sardines. Le concours de montage ne fait pas apparaître de net vainqueur, ce jour pas plus que les autres. Ce groupe est décidemment très homogène, et pas seulement sur la route. Repas réparateur et convivial comme il se doit, et tout le monde se retire sous sa tente, laquelle pour les ronfleurs supposés et accessoirement consommateurs de cassoulet a été positionnée adéquatement.
Le lendemain matin, il fait peu de degrés au dessus de zéro, ce qui nous fait toucher du doigt une des noires réalités du camping : la préparation du petit déjeuner par un matin glacial, debout parce que l'herbe est trempée. Patrice, sous le fallacieux triple prétexte d'avoir oublié sa timbale, son café, et de prétendre ramener les pains au chocolat, se dirige vers le village pour y méditer sur la grandeur de la Providence, qui a voulu dans son immense mansuétude qu'il y ait des bistrots chauffés où on peut prendre son petit déjeuner assis et lire le journal, devant un café et des croissants chauds.
Le départ s'effectue comme programmé à 9 heures, le brouillard se lève, nous prenons la route du sud, portés comme la veille par un bon vent dans le dos. L'objectif de la matinée est Lormes (BPF), arrêt ravitaillement et pause gâteau (" cake stop "). Le gâteau est en l'occurrence des crêpes arrosées de miel d'acacia. On dit " arrosées " parce que le miel est ultra-liquide, qu'il se faufile dans les replis de la crêpe plus insidieusement qu'une barrette de shit dans une barre d'HLM, et qu'il rejoint tout naturellement et sans qu'il y ait le moindre effort à faire son débouché naturel : le maillot des uns et le cuissard des autres.
Au marché artisanal local, patrice essaie vainement de négocier l'acquisition d'un godet, gobelet, verre, mug, tasse, ou ce qu'on voudra. Sans succès. Passe encore pour la nécessité d'acheter six tasses pour ne pas les dépareiller, mais la cafetière en plus, c'est vraiment trop.
Le relief se creuse, les paysages sont maintenant typiquement morvandiaux et nous montons tout en douceur jusqu'à près de 600 mètres. Se succèdent montées, descentes, larges perspectives et superbes aperçus sur des petits lacs. C'est le village de Marigny l'église qui accueille nos cyclos pour la pause de midi. Jean-pierre avait comme à l'accoutumée approvisionné le groupe en Bordeaux. Un membre du groupe dont il y a lieu de taire le nom parce qu'on ne peut pas balancer à tout bout de champ déguste son excellent steak tartare, sous le regard mi-chèvre mi-raisin et pour tout dire vaguement dégoûté des trois autres. Claire et Stéphan improvisent un concert, tandis que les deux autres membres du groupe vont au bistrot prendre un café et recevoir les félicitations du public pour leur chance d'avoir de si agréables compagnons de voyage.
Les kilomètres dans l'après-midi s'enchaînent, les paysages s'aplanissent, et nous atteignons Montréal, BPF de l'Yonne, sa collégiale et son débitant de bière. Quelques kilomètres encore et nous voici à l'Isle sur Serein, terme de la journée. Le terrain de camping est une fois de plus d'un très grand confort (douches chaudes, papier WC...), son responsable nous fait partager son amour de la région (et plus généralement de la France), les tentes sont harmonieusement disposées (sans toutefois perdre de vue que les deux mangeurs de cassoulet d'hier sont les mangeurs de sauté de veau aux flageolets de ce soir), les moustiques se déchaînent bien quelque peu pendant le repas, mais n'entament pas la sérénité du groupe. Chacun se souhaite bonne nuit et se retire dans ses appartements.
Ce dimanche 3 mai à l'aube, il fait encore plus froid que la veille. Mais nos cyclos s'endurcissent. Démontage express, papotage avec le responsable du camping, courses en partant car on ne sait pas de quoi midi sera fait.
Nous longeons le Serein jusqu'à Noyers, où , selon un rite maintenant établi, Jean-Pierre et Patrice s'attablent au bistrot tandis que Claire et Stéphan se taillent un franc succès musical auprès des touristes et gens du cru. Moins d'une heure après, nous sommes repartis en direction de Châblis dont la principale production n'est nullement issue d'un mélange de raisin et de soja, n'en déplaise à certain dont nous tairons pudiquement le nom pour ne pas ruiner sa réputation. Auparavant, nous avions pique-niqué dans un bucolique environnement à dominante aquatique, avec tout ce qu'il faut, c'est-à-dire bras de rivière, île, cascade, pont de pierre, tables, bancs et pelouse pour faire sécher les tentes. Une fois de plus, Claire et Stephan ont paru repousser les frontières de l'impossible en matière de créativité saladique.
Le début de l'après-midi est dominé par la recherche éperdue d'un bistrot pour le café, en vain. C'est alors que Stéphan rappelle au groupe qu'il n'est nullement démuni en matière de godets, de café en poudre, de sucre, d'eau, de réchauds et de petites cuillers, et qu'il suffit d'une pierre un peu plate pour préparer tout ça. Ainsi fut fait.
Une traversée de vide-grenier plus tard, et le temps pour Stéphan de marchander un appareil photo argentique d'époque fin Auriol-début Coty, nous sommes de retour à Laroche Migennes pour la maintenant traditionnelle bière.
Une annulation de notre train plus tard, nous nous enfournons dans un corail n'accueillant pas les vélos, en passant par le ballast pour ne pas attirer l'attention.
Tout le monde se congratule en gare de Lyon fort content de son week-end. La première crevaison (Stéphan) intervient dans l'enceinte de la gare, mais étant intervenue après la séparation, on n'en fera pas donc assumer la responsabilité à Claire.
Grâces lui soit donc rendues pour cette remarquable organisation, parfaitement équilibrée dans les distances, la variété des paysages et le choix des hébergements, et pour le fait qu'elle ait su commander aux éléments, à savoir le vent (toujours dans le dos), la pluie (deux gouttes et demie en toute fin de week-end avant qu'elle n'y mette bon ordre). Nous n'avons pas osé agir de sorte qu'elle nous manifeste qu'elle commande aussi à la foudre. Au plaisir d'un nouveau week-end, donc.
Patrice
"Le Cyclotourisme, un art de vivre" |