Traits Union Européens | Bruxelles (2008) | Prague (2009) |
Patrice nous l'avait proposé avec sa concision usuelle en février dernier: "Je compte tenter un trait d'union européen Paris-Prague cet été (départ soit vers le 8 août, soit vers le 15). Total 1182 kms, soit une dizaine de jours à 120 km/jour, et éventuellement 2 jours sur place. Ca passe par St Mihiel, Wissembourg, Heidelberg, Rothenbourg, Bayreuth."
Et ça passe aussi par la célèbre ville d'eau Karlovy Vary (Carlsbad). Nous étions finalement sept au départ: Les cinq premiers faisaient l'aller à vélo et le retour en train, Christian et Claudine Auzet poursuivaient sur Salzbourg et au-delà:
La journée promet d’être particulièrement chaude en ce 15 août. Le rendez-vous, initialement donné à Roissy-en Brie, s’est déplacé à Bussy saint Georges, sous l’amicale pression des participants habitant peu ou prou sur le trajet de la ligne A du RER, c'est-à-dire en fait de tout le monde. La ligne va donc drainer successivement Jean-Pierre à Poissy, Claudine et Christian à Chatou, Daniel et Joël à Nanterre, Frédéric et Patrice à La défense, où tout le monde se retrouve, sauf Jean-Pierre (basé à l’avant de la rame). Le groupe est au complet à Bussy, à 8h21 comme prévu.
Une photo au départ (il a fallu longuement solliciter une passante promue au rang de photographe officielle), une interrogation collective sur la route à prendre (il y en aura bien d’autres…) quelques ultimes réglages de sandow, courroies, ficelles et autres compteurs de vitesse; et nous voila partis. L’est parisien n’est pas trop dépaysant, surtout pour les habitués des grands brevets de randonneurs. Rapidement, une interrogation existentielle majeure prend corps: où acheter à manger pour le pique-nique de midi ? Trop tôt et les tomates éclatent sous l’effet des cahots, trop tard et les rares magasins ouverts en ce 15 août sont, pour le coup, fermés. Patrice, autoproclamé chef du jour (un concept qui se videra au fil des jours de son sens jusqu’à ne plus préserver que l’essentiel, c’est-à-dire la rédaction du compte-rendu) décide que ce sera Coulommiers. Où en outre il effectuera une réparation express de sa roue arrière dont le déficit de rigidité confinait au flageolement. Six tours de clé à chaque tête de rayon et roule ma poule. Si le réparateur n’eût précisément été le rédacteur des présentes, il lui aurait fallu se livrer à un vibrant panégyrique de ses talents de mécanicien hors pair. Le pique nique a lieu à Villes le maillet, au pied d’un château à la pelouse et aux ombrages accueillants, mais pas le chien, heureusement derrière ses barreaux. Jean-Pierre a amené le pastis, et Joël l’eau fraîche. Le temps pour Claudine de faire circuler fromage et couteau et de ne voir revenir que le fromage (un mystère non résolu à ce jour); le temps de constater sur la base d’un échantillon certes restreint que l’humanité se divise en deux: ceux qui veulent le café à 10 heures et la sieste à midi et ceux qui veulent rouler ou se baigner (le bon sens et la modération l’emporteront); et c’est reparti.
Mais, Montmirail une fois passé et la chaleur aidant, il y a comme du relâchement dans le groupe. Le sympathique village de Lachy nous accueille pour une sieste ou un bain de pieds (cf. dichotomie plus haut). Il accueille également un mariage de ce que nous supposons être des camionneurs, rapport au convoi de camions dont les trompes paraissaient devoir empêcher de dormir la nuit suivante une bonne partie de la Champagne pouilleuse.
Le village de Broyes nous réserve une jolie surprise à sa sortie: une descente inattendue au milieu du vignoble, offrant une superbe vue sur la plaine de Fère Champenoise. Quelques kilomètres plus loin, notre Florhotel nous accueille, heureusement un peu plus éloigné de la N4 que ce que nous redoutions. C’est ensuite le rituel qui ne variera guère, sauf cas de force majeure: on range les vélos au garage, on s’enquiert de l’endroit où Joël pourrait planter sa tente (en l’occurrence dans le jardin de l’hôtel), on boit une bonne bière bien fraîche, on prend nos chambres, douche et repas du soir (service un peu poussif, mais on est le 15 août…) puis dodo. Au total une excellente première journée, avec 100 Km et 700 m de dénivelé.
Nuit hôtel Florotel 51230 Linthes
D'un commun accord, pour gagner en distance, nous partons sur la N4, avec déviation à la Fère Champenoise, puis à Sommessous. C’est alors que Patrice se rend compte que sa roue avant est sur le point de rendre l’âme, ce qui le contraindra à utiliser parcimonieusement le frein avant. Le paysage est plat et il n'y a rien d'ouvert, surtout que nous sommes un dimanche 16 août. À Pogny, nous trouvons du patissou et du flanc dans une boulangerie providentielle. Il fait chaud et il faut rouler jusqu'au repas où nous avons bouclé la moitié de cette longue étape. Déjeuner dans l'herbe, à l'ombre avec café de Joël. Nous continuons dans la chaleur, emmenés par Claudine à une allure soutenue.
L'étape est ponctuée de nombreux arrêts cimetière.Un goûter sur le bord de la route permet aux héros fatigués de voir des hérons fringants et une vache coiffée façon Will Smith. Une dernière côte est montée au train avant Bislée où nous cherchons notre hôtel, que nous joignons par une piste en cailloux. Une baignade dans la Meuse pour les plus courageux. Pendant que Patrice essaye de se renseigner sur un vélociste d’ouvert, ce qui n’est pas évident non plus. Traditionnelle bière et repas correct pour des cyclos.
Nuit à l'hôtel des bons pères, relais de Romainville, D964, F-55300 Bislée, tel 0329 89 0990
Non aux cadences infernales !
Patrice, handicapé par sa roue malade, envisage d'aller changer sa jante à Pont à Mousson. On décide donc de former trois groupes: le nominal par Rambucourt, un diverticule BPF par la butte de Montsec, et le groupe de Patrice et Joël qui ira voir le docteur de vélos de Pont à Mousson. Après réflexion (on est lundi et personne ne répond au téléphone), Patrice se rallie au groupe du nominal et Joël et Claudine se rallient au groupe du BPF (ou de l'ascension, pour Claudine), de la butte de Montsec. Christian sera capitaine de route du nominal. Les équipes sont donc: Claudine, Joël et Jean-Pierre pour la butte de Montsec, et les quatre autres pour le nominal.
On règle l'hôtelier, direction St Mihiel par la D964 qui coupe la boucle de la rivière (une côte). À St Mihiel, piti café et pointage BPF. Ensuite, il faudra attendre Morhange pour retrouver un semblant d'humanité. Citons un grand témoignage de sagesse: "quelles brutasses, ces Abeilles !"
Direction Apremont, où on se sépare en deux groupes: le nominal et le non-nominal qui pointe par Montsec. Rendez-vous à Beaumont.
Après notre séparation en 2 groupes, ceci est le compte-rendu du groupe nominal, qui ne pointe pas Montsec, et qui attend à Beaumont que l'autre groupe, qui a pris son temps et s’est trompé en retournant en arrière, le rejoigne. De guerre lasse, après avoir entamé les mirabelles de Daniel, nous roulons sans les rapides, et nous faisons rouvrir un Champion pour les courses. Route collineuse, chaude, chasse aux cimetières. Regroupement à Morhange, dans un café ...
Après notre séparation en 2 groupes, ceci est le compte-rendu du groupe non-nominal, qui pointe, lui, Montsec. Ascension, avec Joël et Claudine, au pas de charge, de la butte de Montsec. En haut, on trouve un mémorial US qui ressemble au Lincoln mémorial de Washington et un groupe de cyclos de la région d'Annecy. Le mémorial commémore la première victoire de la guerre 14-18 sous commandement US. À Montsec, piti café rapide pour pointer le BPF et on reprend la route, sauf que je me trompe de coté sous la pression, et on repart en direction de St Mihiel. Faut quand-même être ballot pour ne pas remarquer que ce n'est pas normal de rouler face au vent. Christian a téléphoné pour prendre de nos nouvelles juste alors qu'on quittait le café. Après 5 Km, à Woinville, on décide démocratiquement de repartir vers Apremont pour minimiser les côtes.
Pendant ce temps, le groupe nominal capitainé par Christian est reparti de Beaumont. À Apremont, on approche de midi, le moment est venu de faire les 110 Km qu'il nous reste à couvrir et Claudine nous suggère de rouler, alors on roule. Ravito chez un boulanger itinérant déniché par Joël à Rambucourt. Picnic à Manonville à l'entrée de la petite Suisse Lorraine [panne d'essence, au grand dam de Claudine (ah! ces petits réservoirs !)]. Pas de sieste, pas de piti café, rien ! il faut rouler !! dans les bosses !!! À Dieulouard, nous nous préparons à franchir la Moselle tout près de Pont-à Mousson et sortons de la petite Suisse Lorraine.
On traverse la Moselle et Claudine cherche un lieu de baignade, mais n'en trouve pas dans la Moselle qui reste résolument hostile à tous les baigneurs du groupe. On fonce, vent arrière, vers Nomeny, puis Létricourt. Claudine, échaudée, a un doute aux carrefours. Il faut donc y parlementer démocratiquement. Peu après Aulnoy sur Selle, crevaison de l'arrière par Claudine. Patatras, sa chambre de rechange est une 700c. Pour une roue de 26', ce n'est pas l'idéal. On répare la crevaison et on engueule Christian qui n'est pas là. Qu'est ce que ça fait du bien ! Le groupe nominal, lui, a percé vers Delme soit seulement 9 Km devant nous, mais même en roulant comme des brutes (que nous sommes), ils sont repartis quand on arrive à Delme. Joël, qui trimballe sur son vélo un incroyable barda avec sa tente et autre matériel de camping, nous a habitués à rouler plus vite que nous dans les cotes, alors on remarque à peine quand il commence à faiblir, usé par le rythme de forgerons ahanants qu'on a adopté. Tant bien que mal, on fonce quand-même jusqu'au rendez-vous. Le groupe nominal nous attend à Morhange, cool, à la terrasse d'un café. Enfin … un piti café …
Ensuite, on finit, toujours vent arrière, vers Diffembach. Certaines mauvaises langues osent même prétendre qu'il y a du guidonnage dans le guidage, mais on arrive jusqu'au café. Là, la bière est toujours aussi bonne que la dernière fois, c'est à dire qu'hier même heure. On décide dans l'enthousiasme quasi-général de dîner à 7h45 pour aller au dodo à 8h00. Et on laisse exceptionnellement tomber la boîte de nuit de Diffembach. Ca sera pour une autre fois.
Dîner excellent: salade de foies de volaille et ragoût local de marcassin à la sauce vin blanc, avec un petit merlot: un régal! Ensuite: tarte. Pour le ptidej, Daniel, décidément précieux, nous a négocié des œufs au lard (deux par personne), le tout pour 45€ (oui, chambre comprise) au total par personne. Ce soir, pas de camping à proximité et Joël partage une chambre de trois avec Daniel et Jean-Pierre. Nuit sans nuage. On dort.
Nuit Hôtel Le Floride, 57660 Hellimer
La journée commence sous de bons auspices. La patronne de l'Hôtel nous a mitonné des oeufs aux lards qui font le bonheur des gros mangeurs (par discrétion je ne nomme personne). Patrice trouve une roue pour remplacer celle qui couinait depuis le départ. Il va maintenant être plus serein pour le reste du voyage. Très beau temps. Il flotte dans l'air une légère brume qui pourrait bien annoncer la fin de l'été. Ce sera cependant une journée très chaude.
Avant d'atteindre Bitche, il nous faudra affronter une sérieuse grimpette à 2 chevrons. Puis descente vertigineuse dans une longue ligne droite sur la ville. Passage trop rapide dans celle-ci. Joël aurait bien voulu monter à la Citadelle, mais il faut respecter le timing imposé par le "chef de jour". Dès la sortie de Bitche, nous sommes dans le NATURPARK PFALZERWALD, une très belle forêt. Nous y trouvons un endroit ombragé pour le pique-nique, près de la Chapelle du Camp Militaire. Nous sommes ainsi sous la protection des militaires et du Bon Dieu. Les inconditionnels de la sieste peuvent ainsi s'en donner à coeur joie. Reprise sous un chaud soleil. C'est un peu dur.
Heureusement la forêt se fait protectrice avec ses grands arbres et nous avons de beaux passages à l'ombre, très agréables. BPF à Obersteinbach où Claudine peut se rafraîchir les pieds en sautant dans la fontaine bien froide. À Lembach, Patrice et Daniel se déchargent des kilos superflus dans la très jolie Poste à Colombages. Toujours à Lembach, au Salon de Thé du coin, Patrice rencontre un physicien allemand qui travaillait sur le même projet scientifique international que lui. Étonnant hasard! Montée du premier grand col (480 m), le col du Pigeonnier, toujours protégés de la chaleur par les sapins vosgiens. Belle descente sur Wissembourg, ville de caractère en grès rose des Vosges. Encore une fois visite trop rapide au goût de Claudine et Christian. Photos de groupe à la traversée de la frontière qui est juste à la sortie de la ville.
Nous entamons nos premiers Km allemands. Il y en aura 600 autres. Une vingtaine de Km nous séparent encore de la ville étape Kandel où nous arrivons sans encombre. Immédiatement nous dégustons notre première bière allemande sous une fraîche tonnelle. Il y en aura beaucoup, beaucoup d'autres ............. Cette journée pourrait s'intituler "Au bonheur du Cyclotouriste".
Nuit à l'hôtel Zur Pfaltz, Marktstr. 57, 76870 Kandel, tel 07275/98550
Petit déjeuner prévu à 7 heures servi par une jeune femme alsacienne charmante. Le buffet est fameux et copieux. Les abeilles arrivent les unes après les autres et semblent fatiguées par les étapes chaudes précédentes.
Nous ne partons donc qu’après 8 heures, aidés par "Garmin" pour trouver notre chemin. Piste cyclable le long de la route où le petit café de 10 heures est remplacé par une crevaison de Patrice et sa réparation avec les sempiternelles réflexions sur le montage des chambres à air pendant que certains préfèrent déguster des mûres sauvages. Quelques kilomètres après, nouvel arrêt à un cimetière pour boire (de l’eau, toujours point de café !) et déguster nos en-cas préparés à l’hôtel. Le choix des routes ou pistes cyclables souvent caillouteuses et sablonneuses n’est pas toujours facile ce qui nous fait arriver à 11 h 45 à un village non prévu sur le parcours. Nous y achetons notre VTS et recafouillons pour trouver notre chemin jusqu’à Heidelberg.
Nous y sommes enfin à 13 h 30 et notre "chef" nous accorde généreusement 50’ pour manger, boire et "visiter" chacun à sa manière cette magnifique ville.
Nous nous retrouvons sur le pont qui enjambe le Neckar où des photos "cartes postales" s’imposent avant de le longer par des routes cyclables (vttables ?!..) où 4 "gamins" s’amusent. Arrêt goûter bien mérité à Eberbach où Patrice est très frustré de n’avoir pas le temps de commander une "banana-split" superbement décorée et très appétissante (dont il nous reparlera probablement encore dans quelques années ?) qu’il remplace par une simple glace italienne. Cet arrêt fut bien utile car une longue ascension d’un petit col connu de personne nous attend ainsi que sa descente (ouf !) superbe jusqu’à Amorbach et sa magnifique collégiale. Daniel se fait expliquer le chemin à prendre pour rejoindre à Weilbach, notre ville étape : pancarte et traversée mais point d’hôtel ! Coup de fil à l’hôtel : nous apprenons qu’il faut remonter une route de 8 Km !.... Le moral des troupes en prend un coup, mais ne se laisse pas abattre et repart vaillamment. Joël prend les H des arrêts bus pour des hôtels tandis que Claudine doute à l’apparition d’un hôtel dans une campagne pareille. Pourtant, à 20 h 08, apparition d’une auberge accueillante dans son nid de verdure où Joël pourra planter sa tente. Douches, bières, salades, escalopes, desserts délicieux feront vite oublier les petites misères.
Le 20 août aura été marqué du sceau d’une des journées les plus chaudes de notre périple, avec un soleil bien d'aplomb à partir des 10h et qui ne nous aura laissé de répit que passé 18h.
Le départ, de notre jolie petite auberge s'étant fait à la fraîche, c'est couvert de coupe-vents que nous auront dévalés les 7 Km surnuméraires séparants l'auberge de notre itinéraire normal. Sur le bas de la descente, les "premiers" rayons de soleil, certainement les plus agréables de la journée, auront commencé à réchauffer nos abeilles.
La ville de Miltenberg sera traversée rapidement, une fois de plus, avec tout de même un arrêt le temps de se munir de cartes correctes pour la suite du voyage.
Les traditionnelles courses du matin seront effectuées au dernier moment, à Tauberbischofscheim, ou un épicier et un Backerei (comprenez Boulangerie) nous auront permis de ne pas nous trouver bien dépourvus.
L'arrêt du midi s'est fait au bord d'un canal que longeait la piste cyclable, à l'ombre de quelques arbres bienvenus, et pendant que les uns faisaient un petit somme, les autres on pu se baigner dans l'eau fraîche mais revigorante du canal où seul un petit creux de 3 mètres par 3 mètres permettait de nager un peu, à contre courant, comme dans une baignoire.
L'après-midi, nous nous étions mis en tête de rester sur les pistes cyclables Allemandes, obligatoires le plus souvent, qui ont dans les faits le défaut de rallonger considérablement les distances en zigzagant, et de former d'innombrables petites bosses très raides grimpant sur les coteaux avant d'en redescendre immédiatement. Comme cela a été dit le soir, il semble que, lors de leur construction, aient été confondues les notions de "pistes cyclables" et de "promenade cyclables".
Ralentis par les pistes cyclables et par les arrêts liés à la chaleur, le passage à Rothenburg aura été succinct, le temps de boire un café, de manger une glace pour se remettre en selle.
L'arrivée à Steinach, dans un hôtel immédiatement voisin de la gare, elle-même très fréquentée, notamment par les trains de marchandises, aura été tardif, et pour cause, sur les 130 Km prévus, on en aura effectué 145 Km et dénivelé 900m.
Effectivement, l'Hôtel de la gare, situé à quelques décamètres de la voie ferrée, porte bien son nom. Comme le village est en pleine campagne, nous avions naïvement pensé que la ligne était presque désaffectée. Quelle erreur! Toute la nuit certains ont ainsi profité du ferroutage très développé en Allemagne. L'effet de proximité était telle que nous avions l'impression que les trains passaient au pied de notre lit. Le ciel de ce matin est bien gris et menaçant. La veille, Frédéric notre météorologue avait averti: "Ce coucher de soleil n'est pas bon signe". Nous voilà partis sur la Landstrasse 470 assez fréquentée, dans une campagne plate et sans caractère particulier, avec cette menace de pluie au-dessus de nous. Elle nous tombera dessus abondamment vers 11h. Rapidement, dans une longue ligne droite, chacun sort sa tenue de pluie. Les Abeilles jusque là en jaune deviennent rouges, noires et jaunes. Cela fait des jolies petites taches de couleur sur le gris ambiant. Vers midi, courses dans un petit supermarché de village. C'est vendredi. Nous sommes impressionnés par les quantités de bière que les allemands mettent dans leurs coffres. Trouver un lieu de pique-nique par temps de pluie n'est pas chose facile. Heureusement, Patrice a l'oeil et repère l'annexe d'un terrain de foot bien à l'abri avec même table et bancs. Pour en profiter, il faut franchir une barrière symbolique d'une interdiction d'entrée "Zutritt verboten". Ce que nous faisons allègrement. En fin de repas, le café chaud de Joël est le bienvenu. Il a bien fait de trimbaler tout son barda. Pour les inconditionnels de la sieste, Jean-Pierre et Daniel, seulement une mini-sieste sur les bancs. Reprise toujours un peu molle, toujours sur la L470. À partir de Steinberg, le paysage reprend du caractère. La route longe une rivière et la vallée est recouverte de forêts.
Une dizaine de kilomètres après Muggendorf, nous quittons la L 470 pour monter vers Weischenfeld, qui n'est plus qu'à une vingtaine de Km. Quelques Km avant l'arrivée, les très forts accélèrent l'allure pour bien se placer pour le sprint final.
Comme d'habitude, c'est Claudine qui gagne. Nous sommes vraiment galants! L'hôtel de la Poste situé au milieu du beau village de Weischenfeld semble avenant. Son propriétaire, une énorme masse de graisse en tenue de cuisinier l'est moins. Les règles sont strictes: Si vous voulez boire de la bière sur la terrasse, il faut boire 1/2 litre, sinon c'est à l'intérieur. Comme nous sommes de petits buveurs, nous consommerons à l'intérieur. Joël trouvera ici enfin un vrai terrain de camping. Après un copieux repas, pour gagner du temps, nous décidons de payer dès ce soir. Nouvelle règles: Pas de carte de crédit, du CASH! Nous voila donc tous au distributeur qui est fermé à 11 h du soir. Ce sera le patron de l'Hôtel qui nous ouvrira l'accès au distributeur avec sa propre carte de crédit. Allez comprendre!
Nuit à l'hôtel de la Poste, Weischenfeld
Départ dans une vallée fraîche, puis des pistes allemandes collineuses. Claudine mène le peloton comme souvent.
L'arrêt à Bayreuth sera long et permet de prendre un café, de faire les courses, ou de visiter. La sortie de la ville est délicate pour prendre une piste qui fait des détours et grimpe assez fort. À Weidenberg, nous reprenons la route pour avancer, mais le peloton est apathique. Un déjeuné sur un banc à Fichtelberg est le bienvenu. Une longue montée suit sur une grande route, puis nous reprenons les pistes cyclables. Nous décidons de sortir des pistes et prendre des petites routes en contournant Marktredwitz. Résultat non concluant : ça monte et ça rallonge. La journée est rude en distance et dénivelée. Le GPS nous permet de passer ensuite par Artberg par des routes, pour rejoindre la frontière tchèque, où nous prenons la traditionnelle photo. En république tchèque, le GPS est efficace et nous permet de traverser Cheb rapidement, puis de trouver les petites routes qui nous conduisent à l'étape ce qui nous sauvera de la famine complète, vu l’heure qui tourne inexorablement et la lassitude d’une partie du peloton. L'impression première est que la campagne tchèque juste après la frontière est désolée voire abandonnée. Seuls quelques lieux de perdition (dancing et jeux) sont ouverts pour les Allemands. Encore quelques bonnes côtes avant Sokolov, ville sale et polluée, où nous arrivons tard et dînons, sans avoir de dessert et avant la douche dans un hôtel très correct.
Nuit au Park Hôtel Sokolov. Husovy Sady 2044, 35601 Sokolov, tel. 352 605 600
Nous quittons Sokolov sans regret après une bonne nuit dans le calme de l'Hôtel du Parc.
Pour ce faire, il faut grimper à nouveau sur le plateau. Il fait encore frais et nous sommes pleins d'énergie, c'est fait allègrement. Après 10 Km, nous découvrons la très jolie petite ville de Loket située sur un piton rocheux dans une boucle de la rivière. Nous visitons la ville en même temps qu'un groupe de touristes allemands. Intrigués par nos petites pancartes PARIS-PRAGUE, ils entament une conversation animée avec Daniel. Ils n'en croient pas leurs oreilles quand ils apprennent l'âge de certains d'entre nous. Nous repartons sous leurs applaudissements. Sympathiques les teutons!
Nous devons à nouveau regrimper sur le plateau. La route est en travaux. C'est un chantier VINCI !!!!!!!! Ils sont partout ces français.
Nous rejoignons Karlovy Vary après 20 Km sur la route N° 6, heureusement calme un dimanche. Cette très jolie ville d'eau, qui s'appelait du temps de l'Empire austro-hongrois KARLSBAD est un concentré de luxe et d'histoire dans un écrin de verdure. La ville a été construite le long de la rivière à flanc de coteaux. Superbes hôtels aux couleurs vives avec de belles terrasses. Nous sommes sous le charme d'autant plus facilement que ce matin il y a un triathlon féminin. Elles sont toutes plus belles les unes que les autres. Elles passent cependant trop vite pour que nous puissions admirer les détails. Karlsbad est une ville contrôle, ce qui s'explique aisément vu son caractère. Jean-Pierre avec son efficacité habituelle fait tamponner nos cartes par deux charmantes blondes qui nous ont en même temps servi un délicieux café. À force de tourner dans la ville, nous nous sommes perdus les uns les autres. Grâce au portable le troupeau se rassemble. C'est Christian qui nous donne la bonne direction: Notre route est là-haut sur la crête. Un dernier coup d'oeil sur les triathloniennes et nous quittons Karlsbad par un sentier pentu sur lequel nous poussons nos vélos.
Après quelques Km, comme nous n'avons pas encore fait de courses, une certaine angoisse se manifeste dans le peloton. Qu'allons nous trouver un dimanche? St Bernard, le patron des voyageurs est toujours avec nous. À Bochov, nous trouvons un petite épicerie ouverte, tenue par des asiatiques! Notre groupe s'abat sur elle, comme une nuée de sauterelles sur un champ de mil en Afrique.
Nous quittons enfin la route N° 6 pour prendre une petite route bien calme qui serpente dans la campagne.
Seul un petit train bleu insolite croise notre chemin. Il passe cependant trop vite pour que Claudine puisse le mettre dans sa boîte de photos. Pique-nique à Chiesch, un hameau de quelques maison, sous un bouquet d'arbres. Les victuailles achetées à Bochov sont englouties rapidement. Il fait chaud, la sieste est la bienvenue. Seul inconvénient il y a des fourmis qui veulent rentrer dans les cuissards. Comme il nous reste encore 75 Km, nous repartons sans tarder.
À Rakovnik, la fatigue se fait sentir. Certains demandent une pose thé. Juste derrière une vielle porte de la ville, il y a une boutique qui fait Café-Kebab. Cela n'enthousiasme personne. On cherche plus loin. Sur la grande place, une terrasse à l'ombre nous tend les bras. La pose est réconfortante. Tout y passe thé, coca, glace, gâteaux …
Nous voilà assez regaillardis pour continuer les 30 Km sans encombre jusqu'à Berun, où nous trouvons le Blockhaus orange du Best Western. Hôtel confortable avec vue sur une barre d'immeubles façon Sarcelles.
Pour cette dernière mini étape, nous rejoignons Prague, but et terme du voyage de la plupart d’entre nous, les grands rouleurs que sont Claudine et Christian continuant, eux, sur Salzbourg et Zürich. Christian fait une tentative infructueuse auprès du vendeur de cycles local pour qu’il examine son moyeu arrière dont la roue libre a pris pas mal de jeu (pour ne plus y revenir, il effectuera trois arrêts dont le résultat sera le même à Karlstein, Dobrichivice, Cernosiche, avant de trouver une réponse à ses problèmes à Prague). Nous décidons de suivre la rivière conduisant à la capitale, ce qui se révèle une excellente idée : itinéraire peu encombré et plutôt touristique. Nous avions décidé la veille un moratoire sur les pancartes pour des questions de sécurité, et ça tombait bien car nous ne l’avons jamais trouvée. Il est vrai qu’on ne voit pas toujours les pancartes "Paris".
À un moment, nous estimons être suffisamment dans Prague (nous sommes environnés de tramways, et le fameux pont Charles se voit à moins de 500 mètres) pour prendre la photo commémorative de l’objectif enfin atteint.
L’objectif suivant est l’hôtel. Reconnaissons franchement que le GPS de Christian se révèle d’une aide plus que précieuse. Nous arrivons enfin, négocions le rangement des vélos (un peu sportif, derrière des mécanismes d’élévateurs à voitures), une douche (l’hôtel Winston Churchill est d’un rapport qualité prix imbattable), et nous partons en groupe pour une première visite de la ville : la place Wenceslas, le Pont Charles… Pour le soir, nous réservons une "croisière buffet" (on est tenté de dire une croisière crudités, car pour ce qui est des plats et des desserts, l’Abeille qui pourtant se défend habituellement bien a trouvé plus fort et plus rapide qu’elle. Cela étant, le retour de nuit valait vraiment le coup.
D’autres visites le lendemain (musée Kafka, Château…) et il est temps de dire au revoir à Claudine et Christian, d’aller reprendre notre train, avec les marges de sécurité nécessaires pour cause de billets non remboursables, et de dépenser les dernières couronnes sous forme de divers sandwichs et barres chocolatées.
Le voyage de retour, certes un peu fatigant (compartiment surchauffé et deux heures d’attente à Karlsruhe entre 5 et 7 heures du matin), se passe bien. On compare les sens de l’organisation à l’allemande et à la française : un wagon entier pour les vélos pour la Deutsche Bundesbahn, deux mètres carrés d’espace contre des strapontins dans le TGV. Les mauvais coucheurs, surtout à cette heure, n’ont pas pu s’empêcher de marmonner qu’on comprenait pourquoi ils nous ont mis la pâtée en 40.
Sur cette note empreinte de nostalgie, il faut tirer (de l’avis des participants) un excellent bilan de ce voyage : (trop) beau temps tout le long, bonne hôtellerie (particulièrement en Allemagne), de très jolies traversées de ville (même si nous n’en avons pas autant profité que nous l’aurions souhaité), et des paysages qui, sans atteindre des sommets, ne manquaient pas de charme. Une chose à revoir pour les éventuels futurs traits d’union: des étapes un peu plus courtes. Arriver à l’hôtel à 20 heures n’est définitivement pas optimal.
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Voilà un beau voyage qui se termine, trop tôt, comme toujours. On oublira qu'on a fait des étapes un peu longues, et on gardera en mémoire ce superbe voyage, guidés sur le rail d'une organisation impeccable qui nous laissait râler à satiété, mais mettait toujours devant nos roues le parcours qui allait bien, le beau temps, la bonne humeur, la bière Pilz inimitable et ces extraordinaires hôtels (bivouacs, aussi, pour Joël) savamment préparés et toujours au rendez-vous quand on croyait qu'on allait caler là, au bord de cette route magnifique. Merci, Patrice, on remettra ça l'an prochain, ailleurs.
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