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Des gorges de l’Ardèche aux gorges du Tarn, par la Margeride, l’Aubrac, le Causse Méjean et l’Aigoual

Du 6 au 12 juillet 2008


par Patrice Micolon
http://abeille-cyclotourisme.chez.tiscali.fr/souvenirs/2008_ardeche_tarn.html

Riviere

Patrice Micolon

Première étape : Montélimar - Ruoms (100 kilomètres)

Itinéraire : Montélimar, Chateauneuf, Viviers, Bourg Saint Andéol, Saint Marcel d’Ardèche, Saint Martin d’Ardèche, Gorges de l’Ardèche, Vallon Pont d’Arc, Ruoms.

MontelimarPlutôt que le TGV du matin, je préfère celui de la veille au soir, qui me permettra de partir raisonnablement tôt. Le sens du service de la SNCF se développe lentement, mais il se développe. Reconnaissons qu’il est agréable de suspendre son vélo à un crochet dans la rame, sans plus devoir démonter roues et garde-boues pour loger le tout dans une lourde housse dont on ne sait trop que faire à l’arrivée. Et sans la mauvaise humeur générée tout au long du voyage par des mains indécrassablement noires (parce qu’on oublie toujours les lingettes ad hoc).

RiviereArcheL’hôtel Saint Pierre, recommandé par le guide du Routard, est une superbe bâtisse d’époque Louis XIII. Regrettons simplement que la literie soit, elle, d’époque fin Auriol début Coty. Nonobstant quoi, le petit déjeuner, dans la cour intérieure, est on ne peut plus sympathique. Bref, je me mets doucement en route, propulsé par un appréciable mistral. Le temps de se pénétrer de l’esprit de la Provence, au travers du marché des artisans de Saint Martin, et c’est la remontée des gorges, que la route suit au plus près, sur une trentaine de kilomètres. Montées et descentes se succèdent agréablement, et ménagent des points de vue variés et superbes. On n’insistera pas sur les senteurs de résineux qui s’exhalent grâce à un soleil pas trop chaud mais assez tout de même pour qu’on se sente en Provence, sur l’harmonie des bleus, des verts et des gris, sur les chants des insectes et de la faune volante : tout cyclotouriste, entre autres randonneurs, sait bien de quoi il s’agit. Si les gorges de l’Ardèche n’ont pas la vertigineuse ampleur de celles du Tarn ou du Verdon, elles suscitent un sentiment plus fort de communion avec la nature.

C’est enfin Vallon Pont d’Arc, puis Ruoms après quelques kilomètres moins intéressants (on devient vite difficile !), mais qui ont le mérité de ménager une transition entre les paysages de la journée et ceux du lendemain.

Deuxième étape : Ruoms - Langogne (100 kilomètres)

Itinéraire : Ruoms, Saint-Alban Auriolles, Chandolas, Les Vans, Peyre, col du Chap del Bosc, Loubaresse, col de Meyrand, col du Pendu, Lanarce, Langogne

ChampsAujourd’hui, l’étape est un peu plus montagneuse, avec en point d’orgue l’ascension depuis les Vans (200m) jusqu’au col du Chap del Bosc (1350m), il est vrai en 27 kilomètres !

Le temps est encore nuageux après les pluies de la nuit, mais l’atmosphère est très claire. C’est une très belle lumière qui adoucit les paysages méditerranéens des premiers kilomètres.

Ascension les VansLes Vans marquent le passage de la plaine à la montagne. L’ascension démarre et se poursuit avec de belles échappées sur le mont Ventoux. Elle est lente, mais à ma grande surprise régulière. Pour la première côte un tant soit peu sérieuse de l’année, je ne m’arrête pas au bord de l’asphyxie tous les deux kilomètres. Je me dis que j’ai bien fait d’arrêter les antihypertenseurs : je vivrai peut être moins un peu moins longtemps, mais je monterai mieux.. ! Ecce homo : les jeunes cyclistes se dopent en prenant des médicaments, les vieux cyclos en les arrêtant.

Village de LoubaresseRiviereTrès régulière et agréable descente après le col du Chap del Bosc, qui me conduit à Loubaresse, BPF de l’Ardèche. Comment se fait-il que je n’aie pas le moindre souvenir de ce village si pittoresque ? Je l’ai pourtant déjà pointé en août 96. C’eût été au temps de mes premiers pointages, au début des années 70, je comprendrais encore ! Au fond, les BPF, c’est comme Balzac, on peut le lire en boucle et on en tire à chaque fois un peu plus de plaisir. Il est toutefois à craindre qu’après un premier cycle de BPF qui ne m’a pas pris moins de trente huit ans, il y n’y ait guère de la place que pour un deuxième, pas plus…

Ce sont ensuite les cols de Meyrand et du Pendu : pas trop longs, mais toniques. L’arrivée à Langogne se fait par la délicieuse vallée de l’Espezonnette.

Troisième étape : Langogne - Saint Chely d’Apcher

Itinéraire : Langogne, Chastagnier, Pierrefiche, Chateauneuf de Randon (BPF Lozère), lac de Charpal, plateau du palais du roi, Saint Amans, Serverette, Saint Chely d’Apcher

ChampsL’objet principal de ce voyage est de randonner sur ces trois hauts plateaux qu’en matière de paysages je mets au dessus d’à peu près tout : la Margeride, l’Aubrac, le Causse Méjean. Ils sont sobres, et même dépouillés, les lignes (d’horizon, des cours d’eau, des clôtures…) ondulent doucement, ils ont l’humilité de ne pas paraître vouloir être leur propre alpha et oméga, en laissant voir au loin les masses bleutées que sont le massif du Sansy, le mont Lozère, l’Aigoual…

Tout n’y est qu’harmonie et la main de l’homme est présente sans être obsédante : celui-ci s’est adapté à la nature, sans la brutaliser, et faute sans doute de pouvoir le faire : l’immensité des espaces et la rigueur du climat s’y seraient opposés.

ChampChamp AbeilleOn trouve dans ces paysages ce qu’un auteur d’il y a deux siècles nommait «la mystérieuse profondeur de la limpidité», qui évoque à la fois un tableau de Vermeer, une chanson de Brassens, un jardin japonais… Bref, depuis Langogne une rapide ascension me conduit au plan d’eau de Naussac. Un lacis de petites départementales très intimistes me mène à Chateauneuf de Randon, ci-devant BPF de la Lozère et à ce titre juché au sommet d’un mamelon qui sait se faire mériter. Le classique café-tampon (la perspective du minuscule plaisir d’un petit café dans un bistrot inconnu me fait toujours saliver des dizaines de kilomètres à l’avance…), et c’est reparti pour le plateau du Palais du Roi. Je me hasarde à tenter de rejoindre le «truc de Fortunio» (1551 m, et je suppose que «truc» veut dire sommet en patois local) par le sentier de grande randonnée. Que bien entendu je rate, au profit d’un autre qui fait le tour par le sud, et qui manifestement sert au transport des troncs d’arbre, je dis cela rapport aux ornières d’un bon demi-mètre. Les ornières, c’est comme le mauvais temps : il en faut un peu de temps en temps pour se pénétrer du sentiment de la vacuité des choses humaines. Je trouve enfin une petite route, mets le GPS en route sur le Nokia, attends un quart d’heure que les satellites se manifestent et, constatant que même eux paraissent éviter le survol de la Margeride, je me lance au hasard comme au bon vieux temps d’avant le GPS. Bien m’en prend, et je retrouve la nationale à Rieutord de Randon. Les nationales en Margeride sont belles comme des départementales. Me voici à Saint Chely d’Apcher, au terme d’une magnifique journée.

photo

Qiatrième étape : Saint Chely d’Apcher - Sainte Énimie

Itinéraire : Saint Chely d’Apcher, Fournels, La Fage Montivernoux, Prinsuéjols, La Balme, Usanges, cascade de Deroc, col de Bonnecombe, les Salces, col de Trébatut, Saint Germain du Teil, La Canourgue, Laval du Tarn, Sainte Enimie (130 kms).

ChampPanneauL’étape reine. La même traversée de l’Aubrac sous la pluie, en cet été 2007 pourri, m’avait déjà laissé un souvenir ébloui. Alors sous un grand soleil… Pointage à Fournels (BPF Lozère), remontée de la vallée de la Bédaule, un coup d’œil rapide au château de La Balme, et c’est l’enchantement : un plateau d’une altitude moyenne de 1200 mètres, le même paysage à perte de vue, tout en courbes douces, avec ça et là un ruisseau au cours sinueux, paraissant ne pas bien savoir où aller, et pourtant d’un débit rapide. Avec des fleurs, des fleurs et encore des fleurs, et le massif du Sansy en arrière plan au nord.

RiviereColUn léger relief se manifeste à l’approche du col de Bonnecombe, et c’est une de ces légères et interminables descentes (18 kms) vers La Canourgue. Une de ces descentes ou il fait bon se laisser vivre pendant une grosse demi-heure, sans rien d’autre à faire qu’un léger et occasionnel freinage. C’est ensuite la facile ascension du Causse de Sauveterre, dont on se surprend à chipoter les charmes. Le clou de la journée est l’arrivée au belvédère le Cabrunas, probablement une des deux ou trois plus belles vues sur les gorges du Tarn, à la verticale du cirque de saint Chely et une vue qui porte jusqu’à La Malène. Une nouvelle longue descente sur Sainte Enimie mène directement à l’hôtel.

Cinquième étape : Sainte Énimie - Florac

Cirque
Cirque de Saint Chely
Tarn

Dans les gorges, le Tarn n’a pas d’affluent à l’air libre, il est alimenté par des résurgences. Celle de Sainte-Enimie alimente la ville en eau potable, il faut aller la voir, et d’abord la chercher (elle est en pleine ville, mais non fléchée). C’est un bassin d’une eau absolument limpide, bouillonnant légèrement en son milieu, et d’une transparence trompeuse (du style de celles qui vous donnent l’impression d’avoir pied quand il y a huit mètres de fond). Il faut maintenant se décider à attaquer l’ascension du causse Méjean. Par une de ces routes somptueuses, en montée modérée et régulière qu’il est bien difficile de ne pas interrompre tous les 500 mètres pour prendre une photo !

Le col de Coperlac est vite atteint, et c’est la traversée de la partie ouest du causse, la moins dépouillée. Un rapide pointage à l’aven Armand (sans y descendre pour cause de déjà fait deux fois), c’est la grande traversée d’ouest en est : des paysages qui seraient lunaires sans la végétation. Pas une maison, pas une clôture, quelques vaches et autant de moutons. Aucun autre endroit en France, sans doute, ne rappelle à ce point les fascinants paysages désertiques.

Florac
Florac
Le Pont de Montvert
Le Pont de Montvert

Repas dans une ferme auberge (dont entrecôte du cru), et c’est bientôt la magnifique descente sur Florac, à flanc de coteau. Une de mes favorites. Je remonte ensuite au Pont de Montvert, au pied du mont Lozère. Le paysage devient franchement montagnard : on est passé du calcaire au granit. Demi -tour en direction de Florac : 21 kilomètres de descente presque ininterrompue (ce qui, je ne l’ai pas mentionné, sous-tend exactement l’inverse à l’aller). Je rejoins sans trop le chercher l’excellent hôtel des gorges du Tarn. J’aime assez les formules soirée étape. Avantages : on n’a pas à réfléchir à ce qu’on mangera le soir. Et si le restaurant est d’un niveau un tant soit peu relevé, (ce qui était le cas à Florac et à Meyrueis), on bénéficie d’un repas gastronomique (c’est le plus facile pour eux, ils ne vont pas se décarcasser à concocter exprès un repas médiocre…) pour l’équivalent du prix d’un petit déjeuner. Inconvénient : quand on se présente à la réception en disant qu’on a réservé une soirée étape, on jouit du regard mi chèvre-mi raisin du tenancier qui, après avoir consulté son registre, vous lance un «ah oui ! la soirée VRP». Avec ses sacoches de 30 ans d’âge, sa pompe et son bidon sur les bras, il suffit de le regarder bien en face et de répondre avec un mélange d’autorité et de détachement apparent : «VRP, oui, c’est bien moi»

Sixième étape : Florac - Meyrueis

Itinéraire : Florac, Le Mazel, col du Rey, Barre des Cévennes, col du Rey, col des Faïsses, col de Solperrière, Recoules, col de Perjuret, Cabrillac, Mont Aigoual, Cabrillac, col de Perjuret, Meyrueis (env. 100 kms)

Col du ReyAigoualLe temps est médiocre au départ, et ne tarde pas à devenir franchement détestable à Barre des Cévennes. Mon état d’esprit se met à l’unisson du paysage, et je ronchonne. Je ne me refuse jamais le plaisir de ronchonner quelques heures quand les circonstances s’y prêtent : une demi-heure sur la stagnation du pouvoir d’achat des vieux cadres au rancart, une autre sur l’insondable vulgarité de certain haut fonctionnaire dont il convient de taire le nom dans le cadre d’une 1901 statutairement apolitique, et qui affiche ses Rolex et ses ex-mannequins comme je n’ose pas le faire de mon Singer ; et à l’occasion d’une crevaison, quelques réflexions assassines sur la médiocrité des pneus Continental.

Champ
Meyrueis
Meyrueis

Le temps s’améliore cependant un peu en redescendant, l’ascension de l’Aigoual se fait sous un ciel acceptable. Mais là haut, je suis à nouveau dans les nuages. La marche du parking au bistrot serait pour un peu presque angoissante. La visibilité est de vingt mètres. J’ai compté : vingt pas tout juste. Je ne m’éternise pas. Et pour bien finir la journée, 25 kilomètres de descente ininterrompue. Coucher à l’hôtel Family, avec la soirée VRP qui bat tous mes records de rapport qualité-prix : une grande chambre toute neuve, un repas gastronomique pour moins de 50 euros… !

 Septième étape : Meyrueis - Millau

Itinéraire : Meyrueis, Aven Armand, Hures-Parade, Carnac, La Malène, Les Vignes, Le Rozier, Peyreleau, Maubert, Longuiers, Millau (100 kms)

La Jonte
Vallée de la Jonte
La Malene
La Malène

Il eût été dommage de se contenter de traverser à angle droit les gorges du Tarn à Sainte Enimie. Et puis, l’appel du Causse Méjean est le plus fort. A nouveau ces paysages somptueux de dépouillement. La descente sur La Malène laisse également un souvenir impérissable : une route en lacets le long d’une pente presque verticale. Et le village qu’on voit grossir à chaque tour de roue…La suite est classique, sans être quelconque.

Il me vient alors à l’idée qu’il manque une flèche à l’organisation de l’ACP : entre Paris-Marseille et Paris-Perpignan, il me semble bien qu’il y aurait de la place pour un Paris-Montpellier, lequel longerait la forêt de Fontainebleau, suivrait le Loing, la Loire jusqu’à Nevers, la chaîne des Puys, le Plomb du Cantal, l’Aubrac, les Gorges du Tarn, le Causse Méjean, la corniche des Cévennes. Bon, j’écrirai à nos amis de l’ACP.

Vue de MillauAprès Peyreleau, c’est une facile ascension du Causse noir (un Causse Méjean avec des sapins), un pointage à l’auberge du Maubert, et c’est l’arrivée sur Millau et sous la pluie, avec en prime le viaduc à l’arrière-plan.

Il est fini le temps où on posait son vélo dans le compartiment du Lunéa à Millau, pour rentrer directement sur Paris via le viaduc de Garabit. Il faut prendre un premier TER pour Rodez, puis un autre pour Toulouse, et de là le Lunéa de Paris. Qu’à cela ne tienne, j’ai passé une excellente nuit, au point de me réveiller tout seul dans le train à Paris, vingt minutes après l’arrivée en gare.

Un grand merci à moi-même pour cette remarquable organisation, et à mon Nokia N95 pour ses 5 mégapixels.

Patrice


"Le Cyclotourisme, un art de vivre"

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